Il existe deux types de leaders
Les leaders de compétence
Et les leaders d’opportunité.

On rencontre les leaders de compétence parmi les hordes de chevaux, les troupeaux d’éléphants, les groupes de singes. Lorsqu’une jument sait où trouver de l’eau en période de sécheresse, lorsqu’elle sait reconnaître les plantes comestibles ou médicinales, lorsqu’elle parvient à trouver un espace protégé des prédateurs pour permettre au groupe de s’y reposer, les autres chevaux la suivent et sont heureux de lui accorder leur confiance, car tous les animaux savent suivre un leader compétent, c’est rassurant et c’est dans la nature.

Il en est de même chez les éléphants. Les matriarches tracent les pistes à travers la brousse pour découvrir les points d’eau et de nourriture. Elles savent intuitivement retrouver leur route et éviter les embûches. Elles ouvrent la voie quand les plus anciennes ferment la marche pour prévoir des attaques et encourager les retardataires.

Parfois quelques individus alphas, souvent des mâles dominants et opportunistes cherchent à imposer leur autorité et affrontent les leaders de compétence pour bénéficier du statut de chef. Le reste du troupeau alors se lie et évince sans ménagement l’intrus qui termine sa vie souvent seul et coupé de la force du groupe. Beaucoup d’éléphants mâles sont ainsi rejetés par le clan. Beaucoup de lions trop dominants et pas assez compétents suivent le même sort.

Les chimpanzés vivent eux aussi en clan et s’affrontent régulièrement entre groupes pour défendre leur terrain de chasse. Au sein d’un groupe, les mâles leaders remettent leur position quotidiennement en jeu par le combat ou la posture. Les singes savent aussi reconnaître les compétences quotidiennes. Ainsi les observateurs ont remarqué qu’un primate partagera naturellement une noix de coco qu’il aura cueilli avec un autre qui l’aura aidé à l’ouvrir. Chacun partage le fruit du labeur.

Les fourmis qui restent les plus inspirantes en termes de gestion de crise, fonctionnent, elles, de façon décentralisée en s’appuyant sur l’intuition et l’intelligence de l’égrégore du groupe. Elles interviennent sans injonction hiérarchique.

Chez les insectes, pas besoin de leaders, de têtes pensantes, et de chefs opportunistes. Les fourmis savent intuitivement comment s’organiser.

Lorsqu’une fourmilière est attaquée il suffit de trois secondes pour que certaines montent au combat en organisation serrée, tandis que d’autres protègent les œufs en les déplaçant et d’autres encore creusent spontanément des galeries plus profondes pour permettre à toute la colonie de s’abriter. Les fourmis savent s’adapter aux pluies ravageuses, à la sécheresse et aux attaques imprévues. Elles gèrent de cette même façon décentralisée et intuitive, l’élevage des pucerons, la récolte des champignons, l’éducation, mais aussi certains rituels et un soin apporté aux cadavres qu’elles sortent de la fourmilière. Elles ont aussi le sens du sacré.

Les abeilles, quant à elles, savent comment transmettre l’emplacement des fleurs, la qualité du pollen et la distance depuis la ruche. Elles savent que leur partage bénéficiera à l’ensemble de la communauté. La Reine est protégée par des guerrières qui n’hésitent pas à sacrifier leur vie quand la ruche est attaquée et la Reine menacée.

Cette intelligence animale se retrouve chez les rats, les pigeons, les loups, les moutons… En fait, dans tout le règne animal. On a observé chez les rats lors d’une expérience en laboratoire, qu’un chef refuse de prendre de la nourriture quand il comprend qu’à chacune de ses gourmandises, l’un de ses congénères reçoit une décharge électrique. Il se prive de lui-même de la moitié de la nourriture qu’il consomme habituellement. Les rats ont aussi le sens du collectif. Il y a bien sûr des frictions, des attaques, mais d’une façon générale, le chef est à sa place et on a besoin de lui au moment de la tempête. Comme il a su montrer son leadership, on est content de le reconnaître.

Le règne animal enseigne son intelligence à qui sait l’observer et protéger, plus que tout, les écosystèmes du vivant.

Ce n’est pas pour rien si certains Rois de France ont abandonné la fleur de Lys comme emblème pour apposer l’abeille sur leur étendard en rendant hommage au peuple qui butine pour nourrir la Reine.

Et puis, il y a le leadership d’opportunité. Celui-ci se gagne à coup de petits calculs, de stratégies égoïstes, au mépris du vivant et des écosystèmes dans un court terme de plus en plus contraire à la nature. C’est le leadership de l’ignorance et de l’égocentrisme. Le mensonge, la manipulation, le détournement de moyens de communication à sa disposition sont les supports du leader d’opportunité.

Le leader d’opportunité consacre une part importante de son budget, de son énergie et de sa vie à sonder l’opinion pour savoir quelle serait la posture ou la décision la plus à même de le maintenir en place. Le leader d’opportunité arme ou soudoie des partenaires ou sa police pour imposer ses diktats car il a perdu le lien avec son peuple.

Le leader d’opportunité n’est que rarement aux fonctions qu’il occupe par le choix unanime de la collectivité. Il a saisi des opportunités, a assis son charisme sur des promesses ou sur de jolis costumes souvent payés aux frais du contribuable.

La façon dont est gérée la crise en dit long sur la race de nos leaders.

Pour être légitime, un leader a besoin de la confiance de son peuple, du soutien de ses partenaires et de la compétence de son gouvernement. Sans cette confiance il s’expose à une révolution des plus violentes dont la forme le surprendra.

Leaders et la crise

Comment attirer la confiance de sa communauté ?

La confiance s’acquiert essentiellement par la compétence, la congruence, la transparence, la bienveillance et le sens de la pédagogie.

Un leader qui connaît son sujet et la réalité du terrain, qui incarne lui-même les conseils qu’il prodigue et devient inspirant, un leader courageux qui a une vision cohérente pour la société et qui est capable d’expliquer clairement là où il va en restant dans son cœur, embarquera les foules à traverser le pire des cataclysmes.

Il semblerait que notre gouvernement n’ait pas le calme des vieilles matriarches des troupeaux éléphants. Il a manqué de sérénité, de stabilité, de constance et d’intuition en changeant aussi souvent de plans, de direction et de consignes, en multipliant les approximations, les déclarations péremptoires, les injonctions contradictoires, incohérentes et dangereuses. Il n’a pas su réunir comme le font les abeilles. Il n’a pas su, comme le font les fourmis, écouter et protéger ceux qui sur le terrain demandaient de l’aide. Il n’a pas su nous protéger comme le font les singes ou les chevaux. Il n’a pas même eu l’intelligence d’une mouche, ou le dévouement de certains saumons qui en remontant la rivière se laissent pousser une bosse sur le dos pour se sacrifier à la patte des ours qui les attendent, et permettent ainsi de sauver les femelles qui remonteront jusqu’au lieu de ponte.

Il semble que les intérêts opaques, des stratégies cachées ou un goût immodéré du pouvoir pour dominer et non pour servir les ont perdus.

Trop d’erreurs, d’incompétences, de mensonges, d’arrogance, de mépris et de violence ont fait perdre à nos dirigeants le charisme et la crédibilité nécessaire à leur fonction.

Si nous avons les dirigeants que nous méritons, les dirigeants ont eux-aussi la population qu’ils méritent.

Lorsqu’un gouvernement déploie tant d’énergie et se prépare déjà à plus de contrôle, de répression, de dissimulation ; le peuple, alors livré à lui-même, peut répondre par la soumission totale et irréfléchie, ou la plus incontrôlée des violences. Parfois l’une et l’autre se conjuguent et donnent naissance au chaos.

Mais le chaos lui-même nous enseigne et ouvre une troisième voie, la voie de l’opportunité.

Dans ce chaos, les hommes et les femmes qui réalisent qu’ils ont été bernés ou trahis peuvent puiser en eux les ressources pour s’organiser différemment, pour écouter leur intuition, faire confiance en leur instinct et dans le pouvoir de l’énergie collective, peuvent retrouver le bon sens pour recréer et incarner un monde qui leur ressemble.

Ce n’est pas en s’opposant à un système qu’on en vient à bout enseignait Einstein, mais en en créant un nouveau qui rende le précédent obsolète.

En silence, inaperçu, il se pourrait qu’un nouveau système soit sur le point de s’inventer. Pour nourrir le vivant, l’optimisme et la solidarité.