Les gens qui me voient vivre au quotidien le savent, les jours où j’anime un stage (ce qui arrive plus de cent fois dans l’année), je ne parle à personne avant la méditation du matin. C’est pour moi plus qu’un rituel, c’est une façon d’honorer la relation, de prendre le temps de me centrer, d’être profondément en lien avec moi, avant de rentrer en contact avec l’autre. Ça m’évite aussi de nourrir les banalités, les bavardages inutiles et les conventions stériles dès le réveil. Je ne regarde pas plus les réseaux sociaux ou les informations dans ce moment précieux qui va ensuite colorer ma journée.

Dans mon second livre, Vers une parentalité bienveillante, j’évoque combien les enfants sont souvent pris entre ce qu’ils ressentent profondément et les conventions sociales auxquels ils sont exposés.

Parmi ces conventions, le fameux « dis bonjour à la dame ». J’avais six ou sept ans, je me demandais quel était l’intérêt de ce rituel du bisou. Nous avions une voisine qui venait régulièrement nous rendre visite. Son parfum m’était insupportable et sa peau rêche me dégoûtait. J’avais compris que, par politesse, il était convenu que nous devions coller nos joues quatre fois en nous embrassant. Comme elle portait un rouge à lèvres qui me laissait une marque, j’avais intégré aussi qu’il était plus poli d’attendre qu’elle soit partie pour m’essuyer la joue méticuleusement.

Bien sûr, la politesse est une convention sociale qui permet de codifier les marques de respect et de reconnaissance que l’on se porte les uns les autres. Mais la politesse, si elle ne part pas d’un élan sincère, a aussi ses limites quand elle est animée par la convention, par le « il faut », le « on doit », ou encore un « ça se fait », et toutes ces injonctions qui nourrissent notre image sociale lisse et polie qui finissent par nous couper de notre ressenti et de notre authenticité.

Je préfère qu’un enfant ressente spontanément de la gratitude plutôt qu’il dise merci machinalement comme on rend la monnaie à la boulangerie. Je trouve intrusif le fait d’obliger un enfant à demander pardon lorsqu’il a fait « pleurer sa sœur ». Je constate, lors des stages que j’anime, combien le pardon est un processus intime, personnel, qui gagne à être prononcé dans un alignement mature du corps, du cœur et de l’esprit et ne peut en aucun cas être forcé, sans quoi la phrase automatique prononcée n’aura pas d’autres effets que de nous couper de notre ressenti.

Dès lors que nous sommes aligné dans notre corps, dans notre cœur et dans notre esprit, notre confiance en nous et notre estime de nous se développent. Nous nous respectons davantage et gagnons en confiance en nous. C’est un processus naturel. Un adulte qui a confiance en lui peut engager des relations authentiques, chaleureuses. Il n’a plus peur de s’engager, de se montrer tel qu’il est, de prendre des risques et de faire des choix souverains. Nous prenons conscience lors des stages que j’anime combien les conditionnements de l’enfance, et surtout le conditionnement de nos jeunes années, servent de repères à l’adulte que nous sommes. Être libre dans l’instant, c’est être conscient de ces conditionnements et adopter une posture qui répond profondément à nos valeurs.

C’est une vigilance de chaque instant, et cela commence dès le réveil ! Je vous souhaite une belle journée ! Bonjour !