Chasse au sorcière
Il fut un temps où le chamanisme Celtique était totalement intégré à notre quotidien. Les druides, les chamans, les sorcières exerçaient dans chaque village. On allait les consulter aussi bien lorsque nous étions malades, que lorsque le bétail, ou les récoltes étaient affectés. Ces guérisseurs étaient intégrés à la vie de la communauté.

Si leur comportement était parfois surprenant ou dérangeant, on leur reconnaissait le pouvoir de guérison, le pouvoir de divination et le pouvoir de protection. C’est à leur résultat qu’ils méritaient le respect de la communauté.

Le chamanisme nous relie à la nature. Les guérisseurs traditionnels connaissaient le pouvoir des plantes, celui des pierres. Ils pratiquaient ici des bains de guérison, là des diètes de plantes, de tabac.

De nombreux peuples premiers ont conservé le trésor de leur culture ancestrale que ce soit au sein des peuples d’Amazonie, du Kenya, d’Indonésie. Notre culture moderne s’est coupée, elle, au fil des siècles de ses propres racines.

Le développement du Christianisme au IIIème siècle, l’interdiction de pratiquer les rituels druidiques, le pouvoir centralisé de l’église a mis à mal nos traditions millénaires. Beaucoup de druides se sont ouverts aux messages d’amour de l’église. Du reste, ce sont eux les saints qui ornent les vitraux des églises. Les cathédrales ont été bâties généralement sur les lieux de pratique chamanique et celtiques. Pour autant, le druidisme a toujours refusé la notion d’un messie seul habilité à transmettre le message de Dieu, la notion de péché originel, d’enfer et de paradis. Pour les chamans, l’esprit de Dieu est en tout. Il est dans l’esprit des rivières, des forêts, des grands arbres et des plantes médicinales et chacun peut apprendre à le respecter, l’honorer et lui rendre hommage pour renforcer sa connexion avec lui, sans intermédiaire d’église ou de prêtres. Se maintenir en bonne santé, c’est aussi bien soigner son alimentation, son corps, que son environnement, son esprit et ses relations avec le monde visible et invisible.

Pour les chamans et les druides de toutes les traditions, il n’existe pas de guérison du corps sans guérison de l’âme. La guérison est un processus global qui intègre la prise en compte du corps physique et de l’âme du patient.

La chasse aux sorcières menée à partir du IIIème siècle a été aussi une chasse aux druides, à celles et ceux qui en Europe étaient attachés à nos traditions en reconnaissant la dimension sacrée de la nature et au lien spirituel de la guérison.

Si la sagesse de guérison des plantes, des pierres s’est transmise de génération en génération depuis la nuit des temps, si des guérisseurs ont toujours oeuvré de concert avec les médecins dans les villes et les villages, ce n’est qu’au milieu des années 40, avec la création de l’ordre des médecins et le développement de la chimie, que notre rapport à la médecine, à la santé et à la nature s’est transformée.

Ces dernières décennies, par les enjeux financiers colossaux, les laboratoires pharmaceutiques ont influencé les médecins, les gouvernements, et le public dans un rapport à la santé et à la guérison qui perd toute dimension naturopathique et spirituelle. On veut guérir vite d’un mal, sans chercher à en comprendre l’origine. On étudie pas ou si peu l’alimentation, l’influence des émotions et notre rapport à l’âme dans les facultés de médecine.

Si depuis quelques années, de plus en plus d’hommes et de femmes déçues par la médecine moderne se tournent vers notre médecine traditionnelle ancestrale, ou les médecines orientales, comme l’acupuncture, nous vivons aussi une nouvelle chasse aux sorcières. Ces dix dernières années, la pratique de l’acupuncture, dont l’origine semble remonter à dix mille ans avant JC en Chine, a été remise en cause par l’ordre des médecins qui a voulu se l’approprier. L’homéopathie a été raillée, déremboursée et menacée. La fabrication et la diffusion des huiles essentielles devient de plus en plus difficile pour les petits fabricants. Les herboristes se raréfient.

Dans une ère où nous perdons tout bon sens, le simple fait de rappeler que le millepertuis favorise le sommeil ou que le romarin est bon pour la digestion peut être considéré comme un exercice illégal de la médecine.

Depuis quelques mois, c’est la lithothérapie qui était attaquée comme pratique fantaisiste et sans « preuves scientifique ». Aujourd’hui, plusieurs naturopathes de renom sont mis sur les bancs de la vindicte des médias. Plusieurs journaux se plaisent à tourner en ridicule les bains dérivatifs, le jeûne, ou différentes pratiques issues de la naturopathie qui a été le socle de notre médecine populaire pendant des siècles.

Si il existe parmi les praticiens de médecine alternative, parmi les thérapeutes ou les praticiens en chamanisme des hommes et des femmes peu scrupuleux, pas toujours honnêtes, ou pas assez formé, il existe aussi tellement de conflits d’intérêts, de malaise et de scandales au sein même de l’hôpital, que plutôt que de vouloir opposer les uns aux autres, il est temps de nous tourner vers une médecine intégrative. Une médecine qui ouvre ses œillères, qui s’intéresse vraiment à la complémentarité qui existe entre les différentes approches de guérison, une médecine qui s’intéresse autant à l’esprit qu’au corps.

Si bien sûr, il serait irresponsable de condamner tout usage de médicament, toute chimiothérapie, ou pratique de la médecine moderne, il serait tout aussi dangereux d’oublier les pratiques médicales de nos ancêtres qui ont été le socle de notre culture de guérison.

Car un arbre qui est coupé de ses racines, quelle que soit l’envergure de ses branches, est condamné à disparaître à la moindre tempête.

Ce n’est que dans de véritables rencontres entre praticiens dénués de tout conflit d’intérêt, et suffisamment humbles et curieux, que médecine traditionnelle et médecine moderne pourront apprendre l’une de l’autre et pourront ainsi guérir ensemble.

Arnaud Riou