Maitre guru
Il est plus confortable d’admirer une idole que de suivre un maître spirituel.

Une idole est par nature inaccessible. On la suit de loin. On l’envie, on l’admire, elle peut nous fasciner ou nous agacer de ses excès. Star de la chanson, vedette de cinéma virtuose, sur certains plans, nous aimerions lui ressembler. L’idole nous raconte son histoire.

Un maître spirituel, lui, nous parle de nous. Il nous accompagne, nous encourage, nous guide. On peut l’admirer un temps. Mais le maître n’a pas vocation à être admiré. Il a vocation à nous inspirer sur le chemin. Il peut bien sûr nous déranger, nous sortir de notre zone de confort, mais à son contact, notre cœur et notre conscience s’ouvrent.

En Inde, chacun cherche son gourou, part à la recherche du maître spirituel qui l’accompagnera et le guidera sur son chemin d’éveil. C’est un processus naturel pour tous.

En Europe et dans l’essentiel des pays matérialistes, la notion de maître est très connotée. On craint qu’un maître spirituel prenne le pouvoir sur nous, qu’il soit malhonnête, manipulateur, avide, qu’il nous entraîne dans une secte, qu’il soit animé d’un égo spirituel, même si nous avons du mal à définir nous-même cette notion.

On admet couramment avoir besoin d’un maître pour apprendre les mathématiques, les arts martiaux, la peinture, ou la mécanique, mais nous nous persuadons n’avoir besoin de personne pour débusquer les pièges de l’égo et les ornières du chemin spirituel.

Dans le Bouddhisme tibétain, on parle des trois aspects du maître.

  • Il y a le maître extérieur. C’est le gourou, le lama, l’enseignant, l’auteur, le coach, le thérapeute. C’est celui qui nous accompagne sur le chemin de transformation.
  • Il y a le maître intérieur. C’est la partie de nous qui sait. Notre âme, notre moi divin. Cette dimension lumineuse n’a pas besoin qu’on l’éclaire, elle est lumière.
  • Et il y a le maître secret, ou le maître sacré qui est l’union entre le maître intérieur et le maître extérieur. Lorsque le maître secret se manifeste, on peut suivre un maître spirituel, on peut accepter les conseils d’un coach, on peut se laisser guider par un thérapeute, sans ne rien perdre de notre libre arbitre.

Certains refusent systématiquement l’aide ou le soutien d’un maître extérieur. ‘’Je suis moi-même un maître !’’ Je n’ai besoin de personne, je ne veux pas me laisser manipuler ! Par peur de perdre leur pouvoir, ils refusent de suivre l’enseignement de ceux qui pourtant, pourraient les aider sur la route.

D’autres idolâtrent un maître extérieur, l’auteur, le coach et ne sont pas conscients de leur lumière intérieure, de leur propre maître. Ils sont dans la fascination de l’autre sans voir leur propre lumière.

Les uns comme les autres risquent à tourner en rond à un moment ou à un autre de leur cheminement. Car la révélation du maître secret nous apprend que ce qui nous fascine, comme ce qui nous agace chez l’autre n’est que notre propre lumière, notre propre ombre.

« C’est pourquoi souvent le maître qui nous fait le plus avancer est celui qui nous dérange, nous choque, nous surprend. Pour ma part, que ce soit sur la voie martiale, sur la voie du Bouddhisme ou du chamanisme, ce sont souvent les maîtres qui m’ont le plus dérangé sur mon chemin qui m’ont fait le plus avancer. Car si la voie à laquelle nous invite le maître est déroutante, son intention doit toujours être désintéressée, lucide et animée par le cœur ».

Comment alors, repérer les abus ?

Bien sûr, tous les maîtres ne sont pas honnêtes, tous n’ont pas suffisamment exploré le chemin sur lequel ils accompagnent et nous avons besoin de beaucoup de discernement pour reconnaître un véritable maître et pouvoir suivre sereinement ses enseignements sans rentrer dans une quelconque emprise et en conservant sa souveraineté sur le chemin spirituel.

Il existe des dérives parmi les maîtres spirituels, comme il en existe chez les thérapeutes, les coachs, mais aussi au sein de la police, de la faculté de médecine, du parlement, des enseignants. Ces dérives doivent être condamnées.

Ces dérives sont d’autant difficiles à identifier dans le domaine de la spiritualité, que par essence, un maître a vocation à nous faire évoluer, à nous bousculer. La voix spirituelle n’est pas toujours une voie confortable et c’est souvent au prix de privations, de renoncements, de transformation que nous pouvons nous transformer sur le chemin spirituel.

Mais je suis surpris de voir que certains sont plus attentifs au choix d’une machine à laver, ou d’un téléphone portable, qu’au choix d’un maître, d’un coach, ou d’un thérapeute. Des questions clés et une intuition sincère vous permettront toujours de reconnaître le maître qui peut vous accompagner.

Tant de grands maîtres ont accompagné leurs disciples loin des sentiers battus. De Trungpa Kunley à Osho, de Arnaud Desjardins au Maître Deshimaru, dans toutes les traditions, les maîtres ont été des empêcheurs de tourner en rond, des troublions de l’ordre public, des anarchiques de la pensée.

Une seule qualité peut nous permettre à la fois de suivre les enseignements d’un maître et de reconnaître sa propre maîtrise : C’est le discernement. Dès lors que nous développons ce discernement, nous trouvons les indices qui nous permettent de faire confiance, de suivre l’autre, de lâcher le contrôle. Cette propension n’est pas vraie que dans la spiritualité, elle s’applique en politique, dans le domaine de la santé, de l’éducation, de la culture.

Développer son discernement n’est pas valable qu’au moment d’acheter une machine à laver. Dans le magasin, nous étudions la fiche technique, regardons les études comparatives, faisons appel à un vendeur, partageons notre expérience. Pour finalement trouver la machine qui nous convient. Il en est de même au moment de rencontrer un coach, un thérapeute ou un guide de haute montagne.

Ce ne sont pas les guides malhonnêtes qui desservent la voie, mais notre manque de discernement.

Je souhaite à chacun, dans cette période chaotique, de toujours vous appuyer sur votre boussole intérieure pour rester sur votre chemin

Arnaud Riou