« je me suis fait avoir car c’était un pervers narcissique ! »  « Je n’ai pas pu venir car je suis tombé malade… » « Si tu t’es bloqué le genou droit, c’est parce que tu es en conflit avec ton père… » 

A travers des commentaires, des conseils et parfois des conclusions hâtives de thérapeutes, nous entendons beaucoup d’explications sur la cause des événements que nous traversons. Qu’il s’agisse de nos relations amoureuses et professionnelles, qu’il s’agisse d’une maladie ou d’un accident de voiture, qu’est-ce qui dépend vraiment de nous ? Qu’est-ce qui tient du karma ? Qu’est-ce qui appartient au destin, ce destin que Khalil Gibran définissait comme la main de Dieu qui veut passer inaperçu. Pour certains, nous sommes et pouvons devenir les maîtres de notre destinée ! Pour d’autres « Mektoub », ce qui nous arrive est déjà écrit par la main de Dieu.  A partir de ce en quoi nous croyons nous allons faire plus ou moins d’efforts pour nous changer ou pour changer notre environnement. En avons-nous les moyens ou existe t’il une force plus influente que celle dictée par notre volonté ? D’où viendrait-elle ? Et si tout n’était question que de croyances ?

J’ai accompagné dernièrement dans mon cabinet un acteur qui avait une extinction de voix chaque fois qu’il devait se présenter à une audition importante. Plus tard, en thérapie, j’accompagnais une femme qui rencontrait toujours le même type d’homme qui avait du mal à s’engager. Dernièrement un stagiaire m’expliquait que depuis 10 ans, il était toujours à découvert et qu’il avait des problèmes d’argent. Dans toutes ces situations après avoir pris le temps d’écouter, de reformuler, j’encourage généralement mon patient ou mon consultant à s’interroger sur sa part de responsabilité. Non pas dans l’intention de le culpabiliser, ou de minimiser son désarroi, mais dans le but de l’aider à reprendre sa vie en main.

Nous gagnons en maturité lorsque nous réalisons ce qui dépend de nous dans nos relations amoureuses, professionnelles, dans notre rapport à la santé, à l’argent, à la maladie. Cette introspection nous permet d’avoir une vie harmonieuse. Moi-même, lorsque je développe un projet qui a du mal à s’enclencher, lorsque je rencontre des obstacles à répétition, je prends toujours le temps de regarder ma posture et les croyances que j’ai sur tel ou tel sujet. Presque systématiquement, dès que je change mes croyances sur moi, sur l’autre, sur l’argent, la santé, les relations, mon univers intérieur change et mon environnement se modifie rapidement. J’ai souvent deviné lorsqu’un proche me partageait un voyage qu’il préparait, le type de situation qu’il risquait d’attirer à lui. Nous attirons à nous ce en quoi nous croyons, nous attirons à nous ce que nous vibrons. D’où la vigilance que je porte sur les vibrations qui sont les miennes.

Pour les chamans, le monde extérieur est une fractale du monde intérieur. Tout ce en quoi nous croyons, tout ce que nous vibrons, nous l’attirons à nous. Ce ne sont pas les relations épanouissantes qui nous rendent heureux, mais c’est le fait d’être heureux  qui attire à nous les relations épanouissantes ! Si je me sens amoureux, si j’ai le cœur ouvert, si j’ai un regard sur le monde et sur mon entourage confiant et lumineux, j’attirerai les situations positives. Ou je vivrai ce qui m’arrive de façon positive. Les animaux le sentent et sont attirés par certains et non par d’autres. Ce ne sont jamais les événements en eux-mêmes qui créent de la souffrance ou du bonheur, mais la charge émotionnelle que nous y associons et la conclusion que nous en formulons. Le fait de perdre son emploi, de vivre une rupture, un déménagement, peut être pour l’un ou pour l’autre vécu totalement différemment. Ce sont des expériences qui peuvent nous anéantir ou nous enrichir.

Pour les chamans, le monde vibre entre le Nagal et le Tonal. Le Nagal représente la dimension non manifestée, vibratoire, invisible, le Tonal correspond à ce qui se manifeste dans la matière. Le Nagal précède le Tonal, c’est pourquoi nous appelons les chamans les Nagals, par leur capacité à ressentir ce non manifesté. Ainsi, nous sommes les créateurs de notre vie ! Dans mon premier livre paru en 2006  Jouer le rôle de sa vie, j’établis le parallèle entre la façon dont l’acteur construit son personnage au théâtre et la façon dont nous créons notre réalité sur la grande scène de la vie. En fonction de notre regard, nous sommes l’acteur de notre vie ou le figurant dans celle des autres.

Beaucoup de maîtres spirituels nous encouragent à l’humilité, et à accepter ce qui est, quand autant de coachs nous répètent en boucle que « quand on veut on peut » que tout n’est qu’une question de volonté. 

 

Qu’est-ce qui alors dépend vraiment de nous ?

Dernièrement, je donnais une conférence à Toulouse sur le thème du libre arbitre. C’était une conférence très dynamique. J’avais parlé presque une heure et demie. Nous arrivions au terme des questions réponses, et chacun se sentait le cœur plein d’un enthousiasme créateur. C’est alors qu’une femme au premier rang assise sur un fauteuil roulant lève la main. J’avais remarqué pendant la conférence son visage marqué par la douleur et son regard profond. Cette femme d’une cinquantaine d’années qui avait peiné pour arriver jusqu’ici tant l’environnement urbain est hostile aux fauteuils, cette femme nous partageait sa peine. Elle était paralysée suite à un accident de la route dans lequel elle avait perdu son mari et sa fille. C’est son mari qui conduisait. Par une intuition, elle lui avait demandé de conduire le matin, car elle le sentait mieux, mais elle n’avait pas assez insisté. Elle l’avait laissé conduire et portait cette culpabilité comme on porte un masque qui va défigurer définitivement le reste de nos jours. L’année suivant l’accident les médecins ont découvert un cancer chez leur second enfant adolescent, maladie qui  nécessite des soins intensifs de l’attention et de l’argent qu’elle n’avait pas. Elle m’interrogeait sur sa responsabilité, quant à la mort de sa fille, de son mari, et la maladie de son fils. Sa vie s’était bloqué à ces quelques secondes qui pour elle auraient pu changer si elle avait pris le volant. Sa question était sincère et elle cherchait une réponse de ma part. 

Je parlais depuis une heure et demie et nous arrivions au terme de notre rencontre. Je remarquais au fond de la salle, l’organisateur me montrer discrètement la pendule pour me signifier qu’il fallait faire court et conclure. 

Être conférencier ou auteur est une responsabilité sensible car beaucoup attendent de nous que nous répondions à toutes leurs questions même les plus sensibles. Les projections s’accentuent lorsque nous devenons populaire ou  que nous remplissons des salles. Je voyais bien que cette femme attendait de moi une réponse pour apaiser son cœur.

Plutôt que de répondre une phrase encourageante, plutôt que de dire n’importe quel mot qui aurait été maladroit, j’ai écouté mon cœur. J’ai pris une grande respiration. Je suis resté, et la salle avec moi près de trois minutes en silence. Personne n’a dit un mot. Une méditation collective s’est imposée spontanément, pour mieux palper le mystère, pour mieux percevoir la vérité à travers les pores sensibles des membranes du libre arbitre et de la destinée. Puis, j’ai chanté un mantra que nous avons repris ensemble.

Quant à la vérité suivez ceux qui la cherchent, fuyez ceux qui la trouvent. Si je me considère comme un chercheur spirituel depuis plus de vingt ans, c’est justement parce que je n’ai aucune réponse figée quant à ce grand mystère dans lequel je ne cesse de plonger.

A cet instant, j’ai compris que la qualité du lien qui pouvait s’établir entre cette inconnue et moi, entre chacun dans la salle était plus important que la qualité des mots prononcés. Ce qui comptait c’était le lien et ce que nous faisions de cet instant. Nous avons décidé spontanément d’en partager la dimension sacrée. Celle qui dépasse le mental. Nous nous sommes offert ce silence, cette méditation et ce lien de cœur à cœur. Ce silence m’a accompagné dans la journée qui a suivi.  Même si notre mental ne comprend pas tout, lorsque notre âme prend de la hauteur elle sait car elle peut se relier à une dimension où il n’y a plus aucune séparation entre ce qui est bon et ce qui est mauvais, réussi ou raté, nous et les autres.

Je m’interroge quotidiennement sur le libre arbitre, sur la destinée.  Lorsque j’ai été reconnu chaman il y a trois ans lors d’un voyage en Mongolie, lorsque les chamans mongols avec qui j’ai appris m’ont prévenu que désormais c’était les esprits qui allaient décider pour moi, j’ai compris l’importance de notre système de croyance. J’ai compris surtout que plus nous nous détendions quant au libre arbitre, plus la magie pouvait se manifester en nous et autour de nous… Peu importe qui est le grand magicien.

Tout n’est que vibration. Nous pouvons ralentir notre souffle, nous pouvons respirer profondément, mais nous ne pouvons pas consciemment bloquer notre apnée plus de quelques minutes. La vie reprend ses droits coûte que coûte, elle vibre à travers nous, comme dans le ventre de notre mère, elle savait déjà sans aucune intervention comment créer et assembler chaque organe de notre corps. Qui était alors le grand architecte ?

Pour créer, innover, prendre des risques, beaucoup restent sur le bord de la piscine à élaborer des plans, des stratégies, ils ont une énergie mentale très forte, beaucoup de théories, de valeurs, de croyances, mais ne passent pas à l’action. D’autres plongent dans le bouillon et boivent la tassent. Je crois qu’il nous est possible de plonger dans les vagues et d’apprendre à surfer et à nous tenir droit et debout sur elles. Plus nous connaissons la technique, plus nous pouvons nous risquer dans des mers houleuses.

Et si, jouer le rôle de sa vie, c’était justement d’apprendre à surfer sur l’océan pour comprendre que nous sommes l’océan, nous sommes les embruns et nous sommes la tempête ; nous reposer au pied d’un arbre pour comprendre que nous sommes la forêt. Contempler le monde pour réaliser que nous sommes ce monde.

Arnaud RIOU

 

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