Alors que je suis confortablement installé à la terrasse d’un délicieux restaurant vegan du boulevard de la Bastille, la serveuse m’apporte mon entrée : rouleaux de printemps aux carottes, gingembre, paprika et graines de sésame. « Les pensées sont comestibles », me précise-t-elle, pour justifier la présence d’une délicate fleur jaune et bleue posée sur une assiette finement décorée.

Je la regarde et lui demande : « Toutes les pensées ? »

Elle s’en va d’un air amusé.

Il en est ainsi. La nature nous comble de fleurs comestibles, les pensées, la bourrache dont on fait l’huile, l’onagre et son joli jaune soleil, la fleur d’hibiscus dont on fait les tisanes en Égypte, le coquelicot, le chèvrefeuille… Ces fleurs délicates viennent orner les salades, colorer les ravioles et donnent un goût original aux mets des cuisiniers créatifs.

Bien sûr, il faut les reconnaître, certaines sont très amères, d’autres sucrées. Certaines sont rares, d’autres, comme les marguerites, la lavande ou le lilas, sont très présentes dans nos jardins. D’autres encore sont toxiques malgré leur couleur appétissante.

Il en est de même pour nos pensées. Ces images mentales qui envahissent notre champ de représentation. Ces pensées que nous ruminons, celles qui nous sont suggérées, les pensées que l’on matraque, les pensées fugaces, celles qui sont obsédantes, les pensées déplacées. Lorsque nous gambergeons, nous ruminons au moins cinq types de pensées.

Les pensées machinales, qui ne font que nous distraire et meublent l’activité naturelle du cerveau. « Tiens, elle porte un chapeau ». « Oh, un nuage ». Ces pensées ne sont associées à aucune émotion particulière.

Les pensées d’organisation. « Demain, je vais au restaurant, je dois réserver une table ». Ces pensées d’organisation quand elles sont trop nombreuses nous polluent et surtout, créent du stress.

Les troisièmes sont celles qu’on appelle les pensées discursives. Elles opposent la réalité telle qu’elle est à la réalité telle qu’on voudrait qu’elle soit. « Il a été violent ce matin, j’aurais aimé qu’il me parle différemment ». « Je n’aurai jamais du prendre ce chemin, je regrette ». « J’étais mieux dans cet ancien appartement ». Parce qu’elles opposent la réalité telle qu’elle est à la réalité telle qu’on la rêve, ces pensées nous font quitter LE monde pour nous faire vivre dans NOTRE monde. Nous nous raccrochons à ces pensées discursives à travers nos représentations, en nous disant que nous serions mieux si tout se passait comme écrit sur notre carte du monde.

Parmi ces pensées discursives, certaines sont très toxiques. Soit parce qu’elles naissent du jugement, soit parce qu’elles sont porteuses de peur et que la peur amène la haine.

À la suite des attentats, à Paris, Bruxelles ou Nice, nous avons pu percevoir toutes les pensées émises ici et là par des personnes gouvernées par la peur. Si cette peur est compréhensible, la peur ferme le cœur. Elle est la face inversée de l’amour. Plus il y a de peur, plus le cœur se ferme. Et moins l’amour peut s’exprimer. La peur génère rapidement la haine. C’est la haine qui génère à son tour les extrémismes.

Les pensées sont soit ruminées, soit partagées à travers nos conversations, nos échanges d’idées, d’opinion.

Parfois, elles peuvent prendre l’allure de véritables prédictions suggestives : « Vas y si tu veux, mais tu verras ce que je te dis, tu perdras ton temps », ou autosuggestives : « Je sens que je vais encore me faire avoir ».

Ces pensées alors se durcissent, influencent nos comportements.

C’est pourquoi nous pouvons décider consciemment de programmer de belles pensées notamment liées à l’autolouange : « Je suis une belle personne », « Je mérite de vivre en bonne santé », « Je suis capable de vivre une vie amoureuse sereine ». Ces pensées deviennent alors comme des programmes réparateurs de l’estime de soi et de la confiance en soi.

80 000 pensées par jour

Nous émettons environ 80 000 pensées par jour. C’est considérable.

Lorsque nous ne sommes pas conscients de nos pensées, nous en suivons le fil mécaniquement. Nous passons alors d’un concept à un autre, d’une pensée toute faite à un raisonnement prémâché, d’une opinion ancrée à un comportement pétri d’habitude. Nous perdons alors tout discernement et toute possibilité d’évoluer. Les pensées lorsqu’elles sont trop dures freinent toute vie. Car la vie est liée au mouvement, au changement.

La méditation nous entraîne à reconnaître nos pensées et à poser notre esprit dans la paix et le calme, et ainsi, à ne pas être l’esclave de toute notre agitation mentale.

L’un des premiers obstacles à la méditation est justement le grand nombre de pensées. Lorsque, immobiles, nous méditons, les pensées se multiplient. « Tu ne devrais pas rester là immobile », « La méditation ne sert à rien », « Tiens, ça sent le café… La dernière fois que j’ai bu un café, c’était avec José, je me demande ce que devient José », « Oh je n’arrive pas à méditer, je suis nul !… » Toutes ces pensées ne font que développer l’activité mentale et nous éloignent de la vie. Celle qui vibre au-delà des opinions, au-delà des jugements, au-delà des a priori.

La méditation nous invite à accueillir ce qui est et à agir lorsque c’est possible. En nous entraînant à reconnaître nos pensées, nous pouvons nous connecter volontairement vers telle fréquence de pensée ou vers telle autre. Les pensées attirent l’énergie qui leur correspond. Si nous nous concentrons sur la santé, nous attirons la guérison. Si nous nous concentrons sur la gratitude, nous attirons l’abondance. Toutes les pensées ne vibrent pas à la même fréquence. Les pensées de peur, de haine, de colère vibrent bas ; les pensées d’amour, d’altruisme vibrent plus haut. Nous pouvons concentrer la direction de nos pensées. Ne pas subir les sources négatives, toxiques, même, les discussions à n’en plus finir, le journal télévisé et son lot de nouvelles intoxicantes. Et nous connecter sur ce qui fonctionne. En orientant nos pensées vers ce que nous voulons, nous créons le monde qui nous ressemble et dans lequel nous pouvons nous épanouir… Les pensées souvent précèdent les actes. Elles les orientent. Elles sont créatrices ! Lorsqu’elles sont choisies et orientées, alors oui, les pensées deviennent comestibles, elles sont même goûteuses, utiles, et délicatement parfumées !

Alors les pensées se mettent à cohabiter avec une action juste, aimante, alignée et fluide !

Je vous souhaite de pimenter votre vie de pensées légères comme celles qui, servies dans ce restaurant, m’ont inspiré cet article.

Juillet 2016