Nous marchions sur le chemin qui va du lac aux hauteurs du domaine. C’était une douce matinée de printemps, aux premières heures, quand l’herbe est encore perlée des gouttes de rosée. Après le bois de bouleaux (cet arbre est le symbole de l’éternelle jeunesse), j’observais en plein centre du chemin sur lequel nous étions un gros escargot à la coquille blanche.

Je décidai alors de m’arrêter un instant à ses côtés et de recevoir son enseignement.

Ralentir pour regarder un escargot se déplacer, c’est déjà recevoir l’enseignement de cet animal totem. L’escargot est le symbole de lenteur. Il avance si lentement qu’il épouse totalement son environnement. Il absorbe, il s’enlace, il se fond. Il devient la terre sur laquelle il rampe. Tout son corps semble écraser le sol. Et déjà, l’escargot nous invite à nous interroger sur le moment présent. Sommes-nous à ce que nous faisons ? Ou bien marchons-nous déjà en pensant à notre destination, ou encore en nous raccrochant à l’endroit dont nous venons ? Épousons-nous notre univers ou sommes-nous en lutte à vouloir toujours le changer ? Sommes-nous présents à chacun de nos pas, à chacune de nos respirations ? Notre main est-elle présente, consciente à chacune de nos caresses ? Notre visage est-il présent à chacun de nos sourires ? Car c’est cette présence à soi dans les moments les plus anecdotiques qui renforce en nous le sentiment de gratitude.

L’escargot porte sur lui sa coquille. Il porte sa maison et peut à loisir entrer en méditation ou passer à l’action. Il incarne l’indépendance, la réalisation de la matière et de l’esprit. Du reste, sa coquille est formée d’une spirale infinie. Ceux qui connaissent les mathématiques y retrouvent la spirale formée par la suite de Fibonacci. Cette suite où chaque nombre s’additionne avec le précédent. 0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21… Cette suite reportée sur un plan géométrique forme une spirale parfaite que l’on retrouve sur les yeux des libellules ou le cœur des tournesols.

La suite de Fibonacci nous indique que le temps n’est pas linéaire. C’est pourquoi nous avons souvent la sensation que tout va si vite. Chaque apprentissage précédent nourrit le suivant. Ainsi, lorsque nous évoluons dans la conscience, nous sommes toujours un peu plus sages, un peu plus doux, un peu plus aimants. L’escargot a intégré cet enseignement et l’incarne dans la lenteur.

Mais l’enseignement de l’escargot ne s’arrête pas là. Il porte deux paires d’antennes, si sensibles que la moindre intention de s’approcher d’elles les fait se rétracter. L’escargot ne perçoit pas que le mouvement, il perçoit l’intention qui la précède. De ses deux paires d’antennes, l’une est tournée vers le ciel et l’autre vers la terre. Cette première est reliée aux mondes de l’esprit, au symbole masculin, au ciel et au père céleste, la seconde, tournée vers la terre, et reliée au féminin, la terre-maman qui nous invite à l’intégration des mondes intérieurs par la méditation et l’introspection.

L’escargot a assimilé sa double polarité masculine et féminine. D’où son androgynie.

Lorsque deux escargots s’accouplent, ils le font face à face en s’épousant totalement. Chacun épouse et se fond dans son partenaire, ce qui est d’une sensualité extraordinaire… Regarder deux escargots s’accoupler est sans aucun doute le plus bel enseignement tantrique. Ils incarnent la parole de Tilopa : « Caresse ton partenaire comme si c’était la première fois. »

Si le spectacle se présente à vous un matin… arrêtez-vous !

Nous avons médité un instant avec l’escargot. Je l’ai laissé monter sur ma main… Puis nous sommes repartis avec le groupe. La méditation qui a suivi était sur le thème : « À quoi est-ce que je résiste ? Est-ce que j’épouse moi-même mon environnement ? Est-ce que j’accepte ce qui est ? Est-ce que je me fonds totalement dans mon univers pour mieux le comprendre, comme l’escargot ? Ou est-ce que j’évite, je tourne autour, j’appréhende ? » « Est-ce que je suis dans le moment présent, est-ce que je l’épouse totalement, ou est-ce que je cours sans cesse après un idéal ? Est-ce que je cours comme ce chien après l’arc-en-ciel, après le succès ? Après l’argent ? L’amour ? Le temps ? La guérison ? L’éveil ? Où est-ce que je peux me détendre dans la plénitude de l’instant ? »

Nous avons médité chacun sur nos résistances et sur la façon dont l’enseignement de l’escargot pouvait résonner dans nos propres vies.

Dans la nature, chaque animal, chaque végétal, chaque pierre est l’opportunité d’un enseignement.

Ce matin, cet escargot blanc nous a livré quelques secrets de la Voie de l’Escargot.