Lorsque nous avons programmé ce voyage en Jordanie, nous avons pu mesurer à quel point les événements de ces dernières années ont affecté ce royaume pourtant paisible.

La situation géographique de la Jordanie est délicate. Situé entre l’Irak, la Syrie, la Libye, Israël et la Palestine, ce havre de paix est ancré dans une forte tradition d’accueil. Il subit toutefois de plein fouet la crise du Moyen-Orient et la peur des Occidentaux.

Sur place, très peu de touristes. Depuis un an, beaucoup d’hôtels ferment affectant l’économie déjà difficile du pays. Pétra, l’une des 7 merveilles du monde, est presque désertée. Cette situation nous a permis d’établir des rencontres plus authentiques…

Récit.

Voyage intérieur

À la différence d’un voyage touristique, un voyage initiatique nous invite avant tout à vivre une grande aventure intérieure. Les participants ne viennent pas faire du tourisme, ni même abattre des kilomètres dans un trek. Si, bien sûr, nous voyageons et découvrons un pays et ses habitants, les journées sont ponctuées par la méditation, le yoga, un entraînement inspiré des arts martiaux, les enseignements que je donne tous les matins, les différentes expériences sensitives.

Pour ce voyage, le dépaysement est immédiat. Nous arrivons à Amman dans la soirée. Après une nuit à l’hôtel, nous prenons la route vers le désert du Wadi Rum. Nous sommes accueillis par les Bédouins. Nous partageons le traditionnel thé à la menthe. Dès les premiers échanges, nous établissons avec eux comme des retrouvailles avec des amis avec qui nous aurions perdu le contact.

Départ pour le Wadi Rum

Dans le désert, la nature nous rattrape instantanément. Nous nous calons au soleil. Lever aux premières lueurs de l’aube, quand la température est la plus fraîche. Nous repérons les coins d’ombre, écoutons le vent, apprenons les étoiles et la marche lente.

Chaque jour, nous marchons de deux à trois heures, guère plus. Dans le désert, la chaleur est forte et nous ressentons les 38° à l’ombre dès 9 h du matin. Nous progressons entre le majestueux massif de Jebel Khazali, l’Um Sabatha, le canyon rouge. Nous explorons le Wadi Sabbat, le Wadi Nugrah. C’est dans ce décor majestueux où les paysages somptueux sont encadrés par de puissantes montagnes qu’ont été tournées les images du film Lawrence d’Arabie, le fameux chef-d’œuvre aux 7 Oscars de David Lean.

Dans notre progression, nous découvrons ce panorama de sable et de roche aux couleurs éclatantes, alternant entre paysage lunaire et grandes étendues de sable… Dans le désert, la lumière change à chaque instant, étalant toutes les couleurs de cuivre, de feu et d’or.

Marcher dans le désert pour développer sa sensibilité

Au fil des journées, notre attention et notre sensibilité s’affinent. Nous repérons les changements dans la forme des nuages, dans la présence des rares animaux, dans les dessins que créent les montagnes, dans le son du vent.

Notre attention est portée sur l’essentiel. Vivre le désert, c’est se couper de tout ce qui nous encombre… Pas de portable, pas de télévision, pas de mails… Pas de conversations futiles, d’apparences, de mondanités… Au fur et à mesure des journées, les masques tombent, les conventions sociales n’ont plus de place dans ce paysage qui nous invite à l’authenticité, à la vérité, et à la vie.

Peu importe que nous soyons auteur, pilote de ligne, infirmière. Peu importe que nous soyons bouddhiste, chrétien ou musulman ; de droite ou de gauche. Les idées et les opinions comptent peu ici. Seul compte l’instant présent.

L’intimité que propose le désert est telle que nous partageons avant tout notre authenticité. Les rapports sont simples. Nous allons chercher du bois pour faire du feu, nous nous trouvons une place au pied d’une dune pour y dormir. Nous observons notre cuisinier concentré à chaque repas.

La joie pour se rencontrer

Chaque soir, spontanément, nous chantons, et dansons autour du feu. Awad et Mohamed nous jouent du luth. Ici, les voix, les chants, les danses sont restés des moyens de créer du lien. J’ai plaisir à les accompagner dans les chants traditionnels avec la derbouka, petit tambour à bras.

L’immensité est à perte de vue et le voyage réveille notre humilité. Parfois, certaines montagnes nous semblent à portée de main… Elles sont en fait à sept ou huit heures de marche.

Il nous faut être très attentifs à notre corps physique ; ralentir le rythme, respirer. Être à l’écoute de soi et à l’écoute de l’autre. C’est pourquoi le désert est une invitation au silence, à la méditation, à l’introspection.

Les contacts avec les Bédouins que nous rencontrons régulièrement sont eux-mêmes directs, authentiques et chaleureux.

Ils s’intéressent à notre démarche. La méditation, l’introspection. Au fil des journées, nous explorons et affinons ce qui compose notre humanité et dépasse toutes les cultures. Nos émotions, le rapport que nous entretenons avec notre corps physique, la confiance en soi, la compréhension de l’autre comme un miroir de soi-même.

Nous nous observons beaucoup. Nous apprenons à nous connaître dans notre vérité. Au fil des jours, nous nous sentons de plus en plus proches. L’humour, la légèreté peuvent prendre leur place. Ils ne masquent rien et rendent les relations plus légères.

Pétra et la mer Morte

Après le Wadi Rum, nous reprenons la route vers Pétra, une cité antique cachée entre deux montagnes. Un site extraordinaire, préservé du regard des étrangers jusqu’en 1812, date à laquelle un archéologue suisse découvre ce joyau de l’art nabatéen. Les Nabatéens creusent la roche pour y percer leurs maisons et leurs tombeaux. Cette civilisation qui naquit six siècles avant Jésus-Christ est encore intacte. Ici et là, tout autour de nous, des morceaux de céramiques, de poteries plusieurs fois centenaires disparaissent avec le vent.

Nous terminons notre séjour par un bain dans la mer Morte. Une densité de sel telle qu’il est impossible d’y nager… Juste se laisser porter…

Pendant ce séjour, la chaleur du soleil résonne avec notre propre chaleur. La densité des montagnes résonne avec la densité de notre corps ; et l’immensité du désert nous invite à élargir notre esprit. Nous faisons enfin UN avec la nature.

Ce voyage nous rappelle que la plus belle des destinations de la terre est à portée de main… Elle se trouve en nous… Elle est dans notre cœur.