Il y a trente-cinq ans, à cette même période de l’année, je recevais les résultats du dernier conseil de classe. J’étais en seconde et le résultat fut sans appel. Passage en classe supérieure refusé – Orientation : vie active. J’eus un bref entretien avec une conseillère du CIO qui m’orienta sur deux choix possibles selon elle : commerce ou secrétariat.

Je n’avais aucune idée du métier que je voulais exercer. En revanche, la perspective de choisir à 17 ans un métier pour la vie me glaçait, je trouvais cela enfermant. J’étais un adolescent timide, plutôt mal dans sa peau. Mais, je ressentais une voix intérieure qui m’invitait à l’audace, à la confiance, au courage, à sortir des sentiers battus.

Par une série de rencontres, on me proposa de donner un coup de main à une compagnie théâtrale. Je portais les projecteurs, je préparais les accessoires, je réparais les décors.

Dès la première tournée – j’avais alors 17 ans – j’avais la sensation d’avoir trouvé ma voie : « Je vais faire du théâtre ». Mes parents ont eu ce réflexe généreux de me dire « Tant que tu aimes ce que tu fais, tu réussiras dans ta vie ». Je sais combien cette parole m’a porté.

Dès l’âge de 18 ans, j’ai travaillé comme régisseur, éclairagiste, accessoiriste. Puis, j’ai eu envie de monter sur scène. J’ai pris trois ans de cours classiques. Beaucoup ont tenté de me décourager en me disant que ce n’était pas un vrai métier. Qu’il fallait que je conserve au moins une activité alimentaire. J’ai toujours refusé. Car les boulots alimentaires, justement, ne m’ont jamais nourri. J’ai débuté une carrière d’acteur pour le théâtre, le cinéma, la télévision, la radio. Malgré des périodes difficiles, j’ai toujours réussi à vivre de ce métier. Très sommairement au départ, puis de plus en plus confortablement.

Par la suite, j’ai été tour à tour metteur en scène, coach pour acteurs. J’ai dirigé un théâtre, j’ai fait de la radio où j’ai été animateur, journaliste, responsable des programmes. J’ai enregistré des voix off pour des documentaires ; j’ai tourné des publicités pour la télévision ; j’ai donné des cours de théâtre dans les écoles. Ma carrière professionnelle a été variée. J’ai toujours vécu de ma passion. Je me suis toujours senti libre de changer, de faire évoluer mon métier en tenant compte des opportunités, de mes envies, des circonstances et surtout, des rencontres. Car ce sont les rencontres qui nous aident à avancer. Et lorsque nous sommes à notre place, elles se présentent naturellement.

J’ai commencé à animer des stages de théâtre lorsque j’avais 25 ans, puis j’ai animé des stages pour développer la confiance en soi, l’estime de soi, la psychologie.

Je me suis intéressé à l’être humain dans sa complexité. J’ai exploré le yoga, la méditation, les arts martiaux, la danse. J’ai intégré tout ce que j’apprenais dans ce que je transmettais. J’ai beaucoup appris au cours de mes voyages en Inde, au Tibet, en Indonésie, au Canada – sur la psychologie, sur les relations. Tout ce que je sais, je l’ai appris en regardant les êtres humains. Aujourd’hui, je n’ai d’autres diplômes que mon brevet des collèges. J’en ai souvent été complexé avant d’en faire un atout.

Ce que j’ai appris, je l’ai appris en regardant le monde et les êtres qui le peuplent. À l’école, les programmes scolaires ne m’intéressaient pas, mais le charisme, la personnalité, l’attitude des enseignants me passionnaient. Je me demandais pourquoi certains avaient du charme et d’autres pas. Je regardais la vie comme une scène de théâtre, sans être conscient que c’était mon avenir qui se jouait et ma vocation qui se dessinait.

Aujourd’hui, j’anime des stages sur le comportement, la communication. Je coache des dirigeants d’entreprise sur les thèmes du charisme managérial, du leadership, de la confiance en soi. Je vis de ma passion, c’est ce qui me donne à la fois la sensation de travailler sept jours sur sept et en même temps, d’être toujours libre, comme en vacances.

Mes livres se sont écrits de la même façon. Presque sans effort, parce que c’était le moment, parce que c’était le bon endroit. J’ai juste suivi le fil du courant. Sans plan de carrière. En faisant confiance à la vie, qui nous donne toujours ce dont nous avons besoin.

Aujourd’hui, beaucoup cherchent leur voie. Je crois que notre voie est celle où nous sommes. Ici et maintenant. En revanche, à partir de cet endroit où nous sommes, toutes les voies sont possibles dès lors que nous écoutons notre cœur, notre désir profond, et que nous suivons notre intuition.

Nous pouvons prendre des nationales, des autoroutes ou des chemins de forêt. L’important n’est pas le but. L’important, dans le chemin, est le chemin en lui-même. J’ai connu tant d’hommes et de femmes qui se sont réorientés, qui ont fait des virages. Ils ont commencé à se réaliser professionnellement lorsqu’ils osaient suivre la voie de leur cœur. Nous exerçons toujours le bon métier lorsque nous prenons du plaisir à ce que nous faisons.

Un jour, un stagiaire me demandait si ça n’avait pas été difficile pour moi de changer de voie, d’arrêter le théâtre pour animer des stages. Je n’ai pas la sensation d’avoir changé de voie. J’ai suivi la mienne, simplement. J’aimais raconter des histoires au théâtre et j’aime raconter des histoires aujourd’hui, à travers mes conférences, mes livres et mes séminaires.

Je crois que j’aurais pu prendre autant de plaisir à être paysagiste ou décorateur, car j’aime créer les ambiances. Le plus important n’est plus ce que je fais, mais la façon dont je le fais.

Je n’ai du reste aucune idée de ce que je ferai danscinq ans. Et c’est ce qui me permet de me sentir en vie et libre.

À mes yeux, nous sommes sur terre pour honorer deux voies :

 Identifier quelle est la nature de notre âme. Notre âme se plaît-elle à vibrer dans la famille des créateurs, des enseignants, des soignants, des facilitateurs, des voyageurs, des bâtisseurs ? Chacun vibre à une fréquence personnelle.

 Une fois cette fréquence identifiée, nous avons besoin de trouver comment transmettre notre lumière au monde pour le rendre plus beau à travers nos actes, nos paroles, nos écrits. Que nous soyons boulanger, instituteur, garagiste, auteur ou acteur, nous avons la possibilité de contribuer à rendre le monde meilleur. C’est, je crois, notre plus belle œuvre, et notre véritable voie !

Pour suivre cette voie qui vous conduit là où vous vous sentez à votre place, écoutez-vous votre voix ?