De tous les messages reçus depuis les événements du 13 novembre, c’est probablement ceux de mes amis du désert qui m’ont le plus touché. Rachid, Hassan, Brahim, Khadija, Mokhtar, Abbi, Bachir, chacun se préoccupe de savoir si leurs amis français vont bien. Chacun se sent affecté, ému, solidaire.

Depuis dix ans, presque chaque année, je vais terminer l’année avec eux, dans le Sud marocain. Au milieu des dunes, loin de tout, nous méditons, marchons en silence, nous nous recueillons, veillons le feu la nuit, mais aussi, nous chantons et dansons ensemble, nous célébrons la vie dans sa beauté.

Dans la simplicité et le dépouillement, il est plus facile de se rencontrer vraiment dans son authenticité et son humilité. Dans le désert, nous n’avons que faire de nos opinions, de nos belles idées, de nos certitudes. Elles nous encombrent plus qu’autre chose.

Au milieu des dunes, nos marques sociales ou notre statut même n’influent pas beaucoup sur nos rapports humains. Du reste, je ne demande jamais à ceux qui m’accompagnent s’ils sont pilotes de ligne, ouvriers, enseignants. Je n’ai que faire de savoir qu’ils soient de gauche, de droite ; s’ils sont bouddhistes, athées, chrétiens ou musulmans.

Dans le désert, chacun est relié avant tout à son humanité. Et ce qui jaillit alors, c’est la beauté de notre présence.

Dans l’immensité des dunes, les portables ne fonctionnent pas. Pas de téléphone, pas de mails, pas de selfies. Pour les plus accros, cela semble insupportable au départ, mais rapidement nous réalisons que c’est essentiel pour apprécier la plénitude de l’instant. Lorsque nous assistons au lever du soleil, c’est notre cœur et notre être tout entier qui est touché.

Dans les dunes, inutile de courir, de se presser, car il n’y a rien à atteindre. Il n’y a pas de programme, pas de retard, pas d’objectif. Nous marchons lentement, au rythme des dromadaires. Nous prenons le temps.

C’est parce qu’il est immense et que les dunes s’étendent à perte de vue que le désert nous met face à nous-mêmes. Certains ne supportent pas cette immensité, ce silence, ce sentiment de liberté et de grandeur. Il leur faut humblement se reconnecter à leur cœur, se libérer de leur propre enfermement pour apprécier le désert. La nuit, certains prennent leur duvet pour s’isoler au pied d’une dune, d’autres préfèrent se serrer près du feu… Chacun est libre. Dans le désert, nous réalisons que rien ne peut nous enfermer si notre cœur est ouvert.

Alors au bout de quelques jours, chacun retrouve sa véritable nature, comme si les masques tombaient pour nous autoriser à être plus vrais, et plus détendus.

Les Marocains qui nous accompagnent, les Berbères, les guides, les chameliers, les hommes du désert nous observent beaucoup, comme nous les observons nous-mêmes. Ils sont toujours attentifs à notre bien-être et repèrent chez chacun le moindre changement d’humeur ; c’est probablement ce qui m’émeut le plus à leur contact, cette discrète bienveillance.

Je me souviens de l’un d’eux venant me voir, bouleversé parce qu’il avait vu une participante pleurer… Il voulait savoir comment l’aider.

Le soir, à la chaleur du feu que nous allumons ensemble, nous restons souvent silencieux, souvent aussi, nous dansons, nous chantons. L’an dernier, nous avons beaucoup échangé avec eux, sur l’amour, le couple, le rôle de l’homme, de la femme, de la famille, le rôle du sacré, de la spiritualité, de la méditation… Mais dans ces échanges fraternels, aucune leçon à donner, aucun dogme. Juste le partage de l’expérience des uns et le silence profond et respectueux des autres. Tous ne pratiquent pas l’Islam, mais lorsque les uns prient, tous conservent une attitude silencieuse et respectueuse.

Durant les journées, nous méditons, nous marchons ; je transmets des outils liés à l’ancrage, j’enseigne sur la méditation, la présence, les arts martiaux, la pleine conscience.

Cette année, je souhaite pour la nuit du 31 au 1er janvier réaliser un grand rituel du feu. Nous méditerons, nous célébrerons le passage à 2016 dans la conscience.

Cette année, je lirai devant le feu tous les vœux qui me seront envoyés. Que nous soyons amis proches ou pas, cela m’importe peu. Si vous souhaitez vous relier à nous et à ce grand rituel de méditation et de prière, vous pouvez le faire simplement. Adressez-moi en MP vos vœux, quelques lignes, une intention, pour vous, vos proches, pour la planète, avec votre prénom. Nous les lirons, nous les traduirons puis nous méditerons ensemble sur leur réalisation. Pendant cette semaine, et plus particulièrement la nuit du 31, je me relierai à tous ceux d’entre vous que je connais de près ou de loin, dans des vœux de paix.

Enfin, je souhaite, cette année, aider davantage l’association Intilak à M’hamid qui toute l’année accompagne les femmes et les enfants pour conserver leur dignité (installation d’un local, achat de machines à coudre). Si vous souhaitez me faire parvenir un don pour eux, il leur sera remis en intégralité et en main propre ; il accompagnera le don que nous ferons sur place de notre côté. C’est une association que je connais bien et dont je garantis la probité.

Méditer, prier, aider, danser, chanter, dire, marcher, écrire, croire, aimer, pleurer, rire… À travers ce groupe et à travers tous les groupes que j’accompagne, plus que jamais, c’est par l’ouverture du cœur, la simplicité et la rencontre chaleureuse et authentique que nous célébrerons la vie partout où elle se manifeste.

Certains me demandent s’il n’est pas dangereux d’aller dans le désert dans cette période troublée…

Pour moi, le véritable danger du désert, celui que nous pouvons redouter, n’est certainement pas dans le sable du Sud marocain ou jordanien, mais dans la sécheresse de nos cœurs quand nous cessons de croire en l’humanité et quand nous cessons de nous ouvrir à l’autre. Dès que nous laissons fondre nos peurs pour oser aimer, alors, nous donnons naissance à une oasis de paix, même au milieu du désert…